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IX

L’intersigne de « l’image de l’eau »


J’étais bien jeune alors, mais j’ai de ceci une souvenance aussi fraîche que si la chose s’était passée d’hier. Or, j’ai soixante-huit ans sonnés. J’en avais à peu près douze à l’époque dont je vous parle. On m’avait prise, par charité, comme gardeuse de vaches, à la ferme de Coat-Beuz, dans la paroisse de Kerfeunteun[1]. Ce matin-là, on m’avait envoyée paître le troupeau dans des prairies, le long du Steir[2], où le foin avait été fauché de la veille.

Pendant que mes bêtes broutaient çà et là, je m’étais assise sur la berge de la rivière, et je m’amusais, pour passer le temps, à battre l’eau avec la gaule qui me servait d’ordinaire à rassembler les vaches. Soudain, je tressaillis.

Devant moi, dans l’eau qui était à cet endroit dormante, mais très limpide, je venais de voir, aussi nettement que je vous vois, se dessiner la figure et tout le haut du corps de mon maître.

  1. Kerfeunteun est une commune rurale, presque un faubourg, aux portes de Quimper.
  2. Le Steir conflue avec l’Odet à Quimper même. Kemper signifie « confluent ».