Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/119

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ma mère nous réveilla. Son lit était placé au bout du nôtre, à côté de l’âtre.

— Hé ! les enfants, est-ce que vous n’entendez pas ?

— Quoi donc, mamm ?

— Ce bruit, au dehors.

C’est moi qui couchais au bord. Je me levai sur mon séant, et je tendis l’oreille.

— Oui, dis-je, j’entends le bruit de quatre rames qui frappent l’eau en cadence.

— Est-ce tout ? demanda la bonne femme.

— Non, ma foi ! J’entends aussi des gens converser entre eux.

— Sors donc du lit, Marie-Cinthe[1], et entr’ouvre la fenêtre pour tâcher de comprendre en quelle langue ils parlent.

J’obéis. J’entr’ouvris la fenêtre avec précaution, de peur que la bourrasque ne m’en poussât les battants à la figure.

Les voix venaient de la mer dont notre maison, (celle-là même que j’habite encore) n’était séparée que par la route. C’étaient évidemment les voix des quatre rameurs. Ce qu’il y avait de bizarre, c’est que chacun d’eux avait l’air de parler dans une langue différente. Quelques mots arrivèrent jusqu’à moi. Je les ai retenus ; les voici :

Hourra… Sinemara… Dali… Ariboué…

Anglais, espagnol, italien, il y avait peut-être là-dedans de tout cela à la fois. Il me sembla aussi que

  1. C’est l’abréviation générale en Basse-Bretagne pour le prénom, très fréquent en pays trécorrois, de Marie-Hyacinthe.