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XVI

Le char de la mort


C’était un soir, en juin, dans le temps qu’on laisse les chevaux dehors toute la nuit.

Un jeune homme de Trézélan[1] était allé conduire les siens aux prés. Comme il s’en revenait en sifflant, dans la claire nuit, car il y avait grande lune, il entendit venir à l’encontre de lui, par le chemin, une charrette dont l’essieu mal graissé faisait : Wik ! wik !

Il ne douta pas que ce ne fût karriguel ann Ankou[2] (la charrette, ou mieux la brouette de la Mort).

— À la bonne heure, se dit-il, je vais donc voir enfin de mes propres yeux cette charrette dont on parle tant !

Et il escalada le fossé où il se cacha dans une touffe de noisetiers. De là il pouvait voir sans être vu. La charrette approchait.

Elle était traînée par trois chevaux blancs attelés en flèche. Deux hommes l’accompagnaient, tous deux vêtus de noir et coiffés de feutres aux larges bords.

  1. Près Bégard (Côtes-du-Nord).
  2. On dit tantôt kar (charrette), tantôt karic (petite charrette), tantôt enfin karriguel (brouette), pour désigner le char de la Mort.