Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/147

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— Ça ! disait-il, le plus gros cochon de Kéresper vient de mourir d’un coup de couteau. Je vous invite à la fête du boudin (ar gwadigennou). Grands et petits, jeunes et vieux, bourgeois et journaliers, venez tous ! La maison est vaste : et à défaut de la maison, il y a la grange ; et à défaut de la grange, il y a l’aire à battre.

Vous pensez si, quand paraissait Laou ar Braz sur la croix, il y avait foule pour l’entendre ! C’était à qui ramasserait les paroles de sa bouche. On assiégeait les marches du calvaire.

Donc, c’était un dimanche, à l’issue de la messe. Laou lançait à l’alligrapp (à l’attrape qui pourra) son annuelle invitation.

— Venez tous ! répétait-il, venez tous !

À voir les têtes massées autour de lui, on eût dit un vrai tas de pommes, de grosses pommes rouges, tant la joie éclatait sur les visages.

— N’oubliez pas, c’est pour mardi prochain ! insistait Laou.

Et tout le monde faisait écho :

— Pour mardi prochain !  !

Les morts étaient là, sous terre. On piétinait leurs tombes. Mais en ce moment-ci qui donc s’en souciait ?

Comme la foule commençait à se disperser, une petite voix grêle, une petite voix cassée interpella Laou ar Braz.



presque toujours de tribune publique. C’est de là-haut que les orateurs profanes s’adressent au peuple. « Monter sur la croix » est synonyme de haranguer.