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XIX

La vision de Pierre Le Rûn


Au temps dont je vous parle, les tailleurs de campagne n’étaient pas nombreux. On venait souvent nous quérir de fort loin. Encore, pour être assuré de nous avoir, fallait-il nous prévenir plusieurs semaines à l’avance.

J’avais promis d’aller travailler au Minihy, à trois lieues de chez moi, dans une ferme qui s’appelait Rozvilienn.

Je me mis en route une après-midi de dimanche, à l’issue des vêpres, de façon à arriver pour souper à Rozvilienn. On m’avait demandé pour toute une semaine. Je tenais à être au travail dès le lundi matin.

— Ah ! c’est vous, Pierre ? me dit Catherine Hamon, la ménagère, en me voyant apparaître dans la cuisine.

— C’est moi, Catel… Mais je n’aperçois pas ici Marco, votre mari. Peut-être n’est-il pas encore revenu du bourg.

— Hélas ! il n’y est même pas allé… Voici une quinzaine de jours qu’il est couché là, sans bouger.

Elle me montrait le lit clos, près de l’âtre. Je m’approchai, et, m’agenouillant sur le banc-tossel, j’écartai les rideaux[1].

  1. Au pays de Tréguier, les lits clos ont des rideaux au lieu de volets.