Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/16

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de Basse-Bretagne, qui figurerait dignement à côté des lieder les plus pénétrants et les plus mélancoliquement passionnés des chanteurs allemands.

Si on ne retrouve pas dans les contes ce même accent d’émotion profonde, ce sens si vivant et si lointain des terreurs secrètes de ce monde merveilleux qui s’entrelace à notre monde visible, comme un chèvrefeuille à une haie, c’est que les contes sont comme une monnaie qui s’est usée et effacée à demi en circulant de main en main. Les conteurs n’ont mis dans ces récits que très peu d’eux-mêmes, et l’histoire de Rhampsinit (Le voleur avisé) telle qu’on l’a racontée à M. Luzel en un coin de Bretagne ne diffère guère, ni pour le tour ni pour l’accent, du récit même d’Hérodote. Il n’en va pas ainsi des légendes ; ce sont de petits drames que les conteurs ont vécus ou qu’ils ont vu vivre auprès d’eux ; les personnages sentent ce qu’eux-mêmes ils sentent ; le cadre, c’est le pays où ils habitent, la lande d’ajonc qui s’étend le long de la mer brumeuse ou le cimetière où se pressent les tombes entre l’église que gardent les saints de pierre fruste et le charnier rempli d’ossements.

Les cloarec ont été au premier rang des chanteurs de Bretagne, aussi trouve-t-on sans cesse dans les sôniou, à côté d’une image fraîche et douce