Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/212

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— Arrêtons ici.

Il la poussa dans la douve, contre le talus, et se plaça devant elle comme pour la protéger.

À peine se furent-ils ainsi rangés de la route, que Fant entendit venir un bruit épouvantable. Jamais elle n’avait ouï fracas pareil. Il y aurait eu, à la file, cent lourdes charrettes lancées au galop, qu’elles n’auraient pas fait plus de train.

Le bruit approchait, approchait.

Fant tremblait de tous ses membres. Néanmoins elle cherchait à voir ce que ceci pouvait être.

Une femme passa dans la route, courant à perdre haleine, elle allait si vite qu’on entendait palpiter les ailes de sa coiffe, comme si c’eussent été deux ailes d’oiseau. Ses pieds nus touchaient à peine le sol ; il en pleuvait des gouttes de sang. Ses cheveux dénoués flottaient derrière elle. Elle agitait les bras, en des gestes désespérés, et hurlait lugubrement.

C’était une plainte si angoissante, que Fant Ar Merrer en avait froid jusque sous les ongles.

Cette femme était poursuivie par deux chiens qui semblaient se disputer entre eux à qui la dévorerait.

De ces chiens, l’un était noir, l’autre blanc[1].

C’étaient eux qui faisaient tout le vacarme.

À chacun de leurs bonds, les entrailles de la terre résonnaient.

La femme fuyait dans la direction de la croix.

  1. Cf la lutte du corbeau et de la colombe sur le mur du cimetière. Luzel, Lég. chrét., 173. V. aussi Lég. chrét., I, p. 185 et p 202. — [L. M.]