Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/240

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la ronde ; puis on en vint à dire un mot des bourgs que l’on avait traversés. Chacun fut d’avis que le meilleur cidre d’auberge se buvait chez les Moullek, à Ploumilliau.

— Oui, appuya Maudez Merrien, un des « gars », et si l’on m’en donnait seulement par jour une douzaine de chopines à boire, j’irais volontiers remplacer l’Ankou de Ploumilliau[1] pendant une semaine ou deux.

— Ne plaisantez pas ainsi, Maudez, dit la maîtresse de Guernoter. Vous aurez peut-être affaire à l’Ankou plus tôt que vous ne voudrez.

Cette réflexion de Marie Louarn suffit pour incliner la conversation vers les choses de la mort. Une servante cita l’exemple de quelqu’un qui s’était moqué d’Ervoanic Plouillo et qu’on avait trouvé noyé le soir même.

— Tout ça, c’est des histoires de bonnes femmes, ricana un des assistants.

— Les morts sont morts, ajouta un autre ; un mort ne peut rien contre un vivant.

— N’empêche, reprit la servante, que, si on vous proposait de passer la nuit dans le charnier, vous ne parleriez pas si haut.

Tous les gars de se récrier en chœur.

Quand les hommes ont de la boisson sous le nez, ils sont prêts à manger le diable et ses cornes.

Oui, en paroles ! Car à l’action ils ne sont pas si braves.

  1. V. plus haut, p. 57-60.