Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/269

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Mais il oublia de se boucher les oreilles.

Il ne put s’empêcher d’entendre un petit pas menu de vieille qui trottinait, trottinait à travers la maison.

Puis ce fut le bruit que font en s’écartant les battants mal graissés d’une armoire.

Puis ce fut une voix cassée, chevrotante, qui ricanait, en imitant par moquerie l’exclamation jaillie naguère des lèvres de Lénan devant le linge de Marie-Jeanne Hélary :

— Oh ! la belle armoirée ! la belle armoirée !

Gonéri Rojou entr’ouvrit les paupières. Il éprouvait un besoin de voir, qui était plus fort que sa volonté d’homme.

L’oblique clair de lune, entrant par le cadre de la porte, découpait sur le sol de terre battue un carré de lumière blanche tout pareil à une toile étendue en long et en large. À l’une des extrémités était agenouillée une vieille femme. Elle tenait une paire de ciseaux dans sa main droite. Gonéri la reconnut à son profil. C’était Marie-Jeanne, la morte !

— C’est pourtant dommage, disait-elle, continuant d’imiter le ton de Lénan, c’est pourtant dommage d’entamer une toile si blanche pour un pauvre corps qui tombe en pourriture… La vieille Marie-Jeanne aimerait autant, une fois morte, dormir dans les draps où elle couchait de son vivant…

Gonéri Rojou sentit une sueur froide ruisseler le long de ses membres.

La vieille fit une pause, puis reprit :

— Eh bien ! non ! non ! non ! Je veux être ensevelie dans le lin que j’ai filé !