Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/37

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hommes vivants, mais un martin-pêcheur les frappe bientôt à la tête d’un coup de bec, et c’est alors la seconde mort, la mort plus profonde et plus complète. La même croyance s’exprime en un très beau mythe que M. de Bovis a recueilli aux îles Marquises[1] : les âmes après la mort se rendent au promontoire de Taata ; il y a là deux grands rochers, la pierre de vie et la pierre de mort. Les âmes sont aveugles ; elles viennent toucher au hasard l’une des deux pierres ; celles qui touchent la pierre de mort sont anéanties. La légende que nous avons rapportée semble bien indiquer qu’il survit sourdement chez les Bretons l’idée qu’il existe des degrés entre la mort complète et la vie véritable. C’est de cette existence étrange que vivent dans le vivier de pierre aux portes d’acier les noyés que la Princesse rouge y a entassés ; c’est de cette vie mystérieuse que vivent aussi les villes disparues, Lexobie ou Ker-Is, englouties sous les eaux. Ces légendes de villes englouties se retrouvent presque dans tous les pays d’Europe ; la très intéressante enquête à laquelle s’est livré M. R. Basset[2] l’a très

  1. Revue coloniale, 1855, p. 511. Cf. Ellis, Polynesian Researches, I, p.396 ; Radiguet : La « Reine Blanche » dans les îles Marquises, in Revue des Deux-Mondes, oct. 1859, p. 627, F.Leconte ; Notice sur la Nouvelle-Calédonie, in Annales maritimes, 1847, p. 823.
  2. Revue des Traditions populaires, t. V, VI et VII. Voir aussi F. Sauvé, Les villes englouties in Mélusine, t. II, colonne 331.