Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/387

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Il se plaisait surtout à taquiner Thérèse, une jeune servante, entrée dans la maison depuis sa mort, et pour laquelle il s’était pris d’affection, sans doute parce qu’elle avait un caractère tout pareil au sien et qu’elle riait à gorge déployée du matin au soir ; peut-être aussi parce qu’elle était très bonne, très patiente, avec les enfants, les sept enfants qu’il avait laissés et dont les deux derniers étaient encore en bas âge.

De son vivant, le Vieux aimait beaucoup le cidre. Maintenant il faisait sa pénitence de mort, en montant la garde autour des pommes qu’on entassait à Keranniou, au bas-bout de la maison, derrière des claies de paille tressée.

Vous connaissez le proverbe. Mab e tad eo Cadiô, « Cadiou est fils de son père ». Le Vieux ayant aimé le cidre, ses enfants raffolaient des pommes.

Sans cesse, ils criaient, pendus aux jupons de Thérèse :

— Thérèse, attrape-nous des pommes !

Thérèse faisait semblant de les repousser, mais se dirigeait tout de même du côté des pommes.

— Vieux, disait-elle en riant, laisse m’en prendre une pour chacun des petits.

Le Vieux riait aussi, et la laissait prendre. Par exemple, il avait soin de compter à mesure :

— Une ! Deux ! Trois ! Quatre ! Cinq ! Six ! Sept ! Après la septième, il mettait le holà… Vous pensez bien que les pommes étaient déjà mangées et qu’on en réclamait d’autres.

Thérèse usait alors d’un stratagème. Elle allait quérir une gaule munie à son extrémité d’une épingle