Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/398

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en cette vie. Mais je vous dis, moi, que, si vous n’y prenez garde, vous vous damnerez à cause de ce que vous racontez d’elle. En vérité, vous vous acharnez comme des chiens pleins de rage après la jupe d’une honnête femme… Katic de Keranniou, relevez votre front. C’est à ceux qui médisent de vous de baisser la tête… »

À partir de ce jour, on laissa la veuve tranquille. Elle accoucha d’un enfant chétif, mais qui ressemblait à tous les autres enfants, sauf ce détail qu’il n’avait pas d’yeux dans ses orbites.

Il avait en revanche une intelligence extraordinaire. On le mena baptiser. Quand on le rapporta à la ferme, il se mit à parler comme un homme et dit à sa mère combien de verres et quelles espèces de liqueurs les gens du baptême avaient bus à l’auberge du bourg.

Les personnes présentes en demeurèrent tout ébaubies. Elles comprirent alors que le recteur avait eu ses raisons pour parler comme il l’avait fait. Il ne fut plus bruit dans la contrée que du nouveau-né de Keranniou.

Le soir du jour où il naquit, on vit arriver le Vieux qui n’avait plus reparu à la ferme depuis l’incident de la crêpe. Non qu’il s’en fût éloigné. On l’avait maintes fois aperçu rôdant aux environs, dans les « garennes » abandonnées. Souvent aussi sa tête s’était montrée derrière le vitrage de la fenêtre. Mais il n’avait plus franchi le seuil.

Ce soir-là, il reprit sa place au foyer, du côté où se trouvait le berceau, contre le lit de la mère. Il y passa les journées et les nuits. Dès que l’enfant pleurait, il