Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/449

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Noël, lui, hâtait le pas. Il allait sortir de la lande, quand derrière lui, sur le tertre, la voix du hopper-noz se mit à crier d’un ton lamentable :

Ma momm ! Ma momm ! (Ma mère ! Ma mère !) On eût dit le cri de détresse d’un enfant abandonné.

Ce cri émut Noël Gariez jusqu’aux entrailles. Il ne put cette fois s’empêcher de répondre.

— Comment ! buguel-noz[1] (enfant de la nuit), tu as donc une mère aussi, toi ?

Noël Garlez dit cette parole, sans penser à mal, et parce qu’il avait pitié du pauvre être qui gémissait ainsi après sa mère.

Mais il ne l’eut pas plus tôt prononcée qu’il vit se dresser près de lui un homme immense, immense, d’une stature si démesurée que sa tête semblait se perdre dans les nuages. Cet homme se penchait vers Noël, et Noël vit que sa bouche était toute grimaçante comme celle d’un poupon qui pleure ; il vit aussi qu’elle était garnie de quenottes menues, menues, et blanches comme neige.

Noël Garlez eut grand peur : à tout hasard, il fit un signe de croix.

La forme gigantesque s’évanouit aussitôt, mais là-bas, dans les broussailles, la voix de tout à l’heure, la voix d’enfant abandonné, bégaya :

  1. Il semble que la conteuse mêle ici deux croyances, celle au hopper-noz ou crieur de nuit, et celle au buguel-noz ou enfant de nuit. Primitivement ces deux êtres fantastiques devaient sans doute avoir des natures distinctes.