Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/48

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de sable de la grève. Elles reviennent aux maisons où habitaient autrefois les corps qu’elles animaient ; elles viennent apporter les nouvelles de l’autre monde, messagères de pénitence ou de salut ; elles s’attardent dans la cuisine silencieuse et on les aperçoit du fond du lit clos, accroupies près de l’âtre où s’éteignent les tisons. Elles entament avec les servantes qui font sauter les crêpes sur leur éclisse de bois de longues et muettes conversations ; elles gardent contre les voleurs les pommes du verger ; génies protecteurs du foyer, elles viennent, par la permission de la Vierge et de Dieu, veiller sur ceux qu’elles ont laissés derrière elles, en proie à tous les dangers et à toutes les embûches de la vie. Les mères qui durant leur vie ont eu pitié des pauvres âmes abandonnées reviennent après leur mort caresser pendant leur sommeil leurs petits enfants qui pleurent ; elles les soignent, les consolent et les bercent ; elles reviennent leur donner le sein et laver leurs yeux malades. Parfois aussi c’est le souci des biens qu’ils ont laissés derrière eux, de leurs belles fermes aux murs de granit, de leurs vaches rousses au poil luisant, de leurs champs où ondulent les blés comme une mer d’or et de soleil, qui fait sortir les morts du fond de leurs cercueils ; et le vieux laboureur, retourné à son champ, con-