Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/540

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noir profond, montait une buée rouge, une vapeur ensanglantée.

Iannik regarda, et vit que c’était une mer en fureur qui se dévorait elle-même. Les vagues se soulevaient en énormes paquets d’eau, puis couraient les unes contre les autres, avec des abois désespérés et des bonds effrayants de bêtes.

— Si ma baguette s’achemine par là, se dit Iannic, je suis assuré de n’en pas sortir vivant.

Ce fut pourtant par là que s’achemina la baguette. Mais la brume sanglante se déchira devant elle, et Iannic franchit encore ce mauvais pas, sans autre ennui que d’entendre hurler à son oreille les vagues, semblables à des chiennes enragées.

Sur l’autre bord de cette mer, il se trouva dans un pays maigre, pitoyablement maigre. Ce n’étaient que landes pierreuses, ravinées, plantées seulement de quelques touffes de joncs des marécages. Désolation et abomination. On ne pouvait rien imaginer de plus pauvre, ni de plus triste.

— Pour le coup, pensa Iannik, me voici arrivé de l’autre côté du « pays du pain ». N’importe ! Allons toujours !

Il vit alors une trentaine de vaches qui paissaient au milieu de cette région stérile. Autant l’herbe qu’elles paissaient était rare et menue, autant elles étaient grasses, les flancs rebondis, le poil net et luisant. Leurs pis lourds, gonflés, traînaient presque jusqu’à terre. Elles avaient l’air enchanté de leur sort.

Iannik était résolu à ne s’étonner de rien.

Il enjamba un muret de pierres sèches et se trouva