Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/553

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turel moqueur ; elle, gracieusement, leur servait à manger et à boire, de ce qu’il y avait dans la maison, mais repoussait toutes leurs avances.

Le vieil Efflam (c’était le nom du père) faisait parfois des remontrances à la jeune fille.

— Marie, lui disait-il, mon désir serait de te voir convenablement établie, avant de m’en aller rejoindre ta mère dans l’autre monde, où elle m’a précédé. Je crains que tu ne fasses un peu la fière, en ce moment, et que tu n’aies à t’en repentir plus tard. Hier encore, tu as refusé le fils aîné de Camus le riche. Je lui connais cependant près de cinquante journaux de terre, et son bien s’accroîtra d’au moins autant, lorsque trépassera sa tante Jeanne…

— Oui, mais il a le nez de travers ! interrompait le petit boiteux, en éclatant de rire.

Marie, elle, ne riait pas, car elle était aussi grave d’humeur qu’elle était jolie de visage. Elle se contentait de répondre avec douceur :

— Si je n’avais jamais vu les beaux anges qui sont sur les images des livres, j’aurais peut-être épousé le fils de Camus le riche ou quelque autre du quartier ; mais à présent je ne le saurais faire.

Il faut vous dire qu’elle était très dévote. Les rares loisirs que lui laissaient ses occupations de ménagère, elle les consacrait à lire dans un missel enluminé que lui avait prêté le recteur du bourg. Le soir, à son rouet, elle chantait comme font toutes les fileuses, mais, au lieu de complaintes ou de sônes profanes, c’étaient toujours des cantiques spirituels où il n’était question que de la Vierge, des saints et des anges du para-