Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/90

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l’assistance. C’était le chasse-gueux[1] qui s’ouvrait passage à travers les rangs serrés de la foule. D’une main il tenait sa hallebarde, de l’autre un plat de cuivre qu’il promenait sous le nez des gens, en bramant d’une voix lamentable :

— Pour l’Anaon, s’il vous plaît ! Pour l’Anaon[2]. Les gros sous pleuvaient dans le plat de cuivre. Marie Cornic regardait s’avancer le quêteur.

— C’est singulier, pensait-elle. Je ne reconnais personne ici, pas même le chasse-gueux. Je n’ai cependant pas ouï dire qu’on ait donné un successeur à Pipi Laur. Dimanche dernier, c’était encore lui qui portait la hallebarde… En vérité je suis tentée de croire que je rêve.

Elle finissait à peine cette réflexion que le chasse-gueux était près d’elle.

Vite, elle mit la main à sa poche.

Fatalité ! dans son empressement à accourir à la messe, elle avait oublié de prendre son porte-monnaie.

L’homme de la quête secouait le plateau désespérément.

— Pour l’Anaon ! Pour le pauvre cher Anaon ! clamait-il.

— Mon Dieu ! balbutia Marie Cornic qui se sentait prête à défaillir de honte, je n’ai pas un sou sur moi.

Le chasse-gueux lui dit alors d’un ton dur :

  1. Le chasse-gueux (les Bretons prononcent chasse-de-Dieu) n’est autre que le suisse.
  2. Les « âmes du Purgatoire. » V. plus loin.