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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/100

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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

— Voilà, dit le prêtre. Le petit gardeur de vaches du moulin m’a confié que le ci-devant recteur est caché là-dedans depuis près de huit jours. Les paysans de la région lui apportent de la nourriture, la nuit, environ sur le coup des deux heures du matin. Il se risque alors à sortir. Fais bonne garde et tu es assuré de t’emparer de lui. Mais attends qu’il soit dehors, sinon il aura tôt fait de disparaître sous terre par des voies ténébreuses et inextricables dont il connaît toutes les issues, mais où tu t’ensevelirais vivant, s’il te prenait fantaisie d’essayer de l’y poursuivre. Donc, prudence, patience et vigilance !… Pour le moment, regagnons le moulin… Tu feras semblant de te coucher avec tes hommes, dans la cuisine, et, vers minuit, tout le monde endormi, tu t’esquiveras pour le rendre ici derechef…

— Et toi ? demanda le soudard quelque peu perplexe.

— Comment, moi ?

— Oui, ton intention n’est pas de m’accompagner ?

— Il ne manquerait plus que cela ! Ce serait le moyen de tout faire rater… Si, tout à l’heure, on ne me trouvait allongé sur ma botte de paille, l’alarme serait vite donnée, et le ci-devant prêtre vile averti… Sans compter qu’un de ces jours il m’en cuirait fort d’avoir voulu te livrer Dom Karis. Je ne tiens nullement à être haché en menus morceaux ou jeté à l’eau, une pierre au cou…

Ce disant, le faux mendiant dévalait l’âpre pente ; le soudard l’imita.

— Là, fit Dom Karis, quand ils furent sur l’autre rive du Léguer, maintenant séparons-nous. Prends le sentier qui côtoie l’eau. La lumière qui brille aux fenêtres du moulin te servira de phare. Bonsoir et bonne chance.