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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/118

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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

dresse. Les profils sont grands, les risques légers. Pas de relations incommodes avec la gendarmerie. Tout au plus quelques explications, à de rares intervalles, avec les gabelous qui sont gens faciles à convaincre…

— Pardieu ! s’écria Clerc Chevanton qui comprenait vite, tu veux faire de nous des « fraudeurs ». C’est une belle idée, ma foi. Vive « la fraude » !

— Est-ce aussi votre sentiment ? demanda Margéot aux trois autres. Qu’en dis-tu, Gohéter-Coz ?

Gohéter-Coz ne semblait pas très enthousiaste de la proposition. Il souleva des objections grincheuses. Métier pour métier, pourquoi ne s’en tenir point à celui qu’on exerçait depuis si longtemps et qui ne portait malheur qu’aux imbéciles, comme Kadô-Vraz ? À son âge, c’était dur de recommencer sa vie. Puis, quels avantages y trouverait-on ? Au lieu de guetter le voyageur, en fumant la pipe, tranquillement allongé, comme un cantonnier qui se repose, dans l’herbe ou les feuilles sèches, il faudrait grelotter le long des grèves, s’étendre sur la dure dans les roches mouillées, se crever l’œil à épier une voile qui souvent se ferait attendre plusieurs nuits, attraper le mal froid (les rhumatismes), s’en revenir à moitié perclus, et tout cela pour quelques brasses de dentelles, pour quelques paquets de tabac !  !  ! En vérité, était-ce la peine ?

Margéot le laissa dire jusqu’au bout. Quand le vieux eut fini de bougonner :

— Gohéter, prononça le maître de Kercabin, avec toute ton expérience grisonnante, tu n’es qu’une bête.

Il entra alors dans les détails de son plan, développant point par point les notes jetées sur le petit papier crasseux.

Premièrement, il s’entendrait avec les corsaires de Paimpol qui faisaient les voyages de Jersey et de la Grande-Île (de l’Angleterre).