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RÉCITS DE PASSANTS

« — Je suis sûr maintenant qu’il se passe quelque chose, et pas quelque chose de bon. Fais comme moi : prie et ne t’endors point. Si nous entendons encore, cette nuit, le trot de la vieille jument grise, je guetterai, demain, dans la cour, et dussé-je en mourir, je saurai pourquoi elle sort, où elle va, et qui la conduit.

« Ils prièrent en silence, l’oreille tendue, et, le bruit qu’ils redoutaient, à la même heure que la veille, ils l’entendirent.

« Les morts sont ponctuels. Evenn fut exact au rendez-vous et trouva Noël qui l’attendait. La Blanchonne, qui s’était reposée tout le jour et à qui, d’ailleurs, cette besogne nocturne semblait plaire, fil sonner ses fers, sur le pavé de l’avenue, puis s’enfonça, d’une course éperdue, dans les routes du pays des défunts, les routes de l’éternel silence.

« Que vous dirai-je ? Il en fut de cette nuit-là comme de la précédente nuit, à ce détail près qu’Evenn entraîna Noël plus avant dans le marais des Trépassés et que ! e gars de Rozvélenn eut cette fois de l’eau jusqu’aux aisselles.

« Ce qu’il souffrit, je ne vous te révélerai pas. Lui-même s’efforçait de le cacher à son ami. Pas un gémissement, pas une plainte ne s’échappa de ses lèvres.

« Il rentra à la ferme, si faible que ses jambes pouvaient a peine le porter. Quand il se présenta dans la cuisine, son père dormait encore ou feignait de dormir ; ce fut sa mère qui l’entreprit :

« — Noël, mon enfant, lui dit-elle, tu dois avoir un secret à me confier. Personne ne nous écoute. Ouvre-moi tort cœur. Tu es le fruit de mes entrailles. Confesse-moi ton mal, je le guérirai ; les mères savent des remèdes, des philtres capable de conjurer la mort même.