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chevaux, deux pour la voiture et deux pour la selle. Il y a les dépenses de toilette. Il y a la chasse, les voyages. Il y a enfin l’imprévu… ce terrible imprévu… qui mange tout… J’ai la conscience, mon enfant, dans tout ceci, d’être plutôt au-dessous qu’au-dessus de la vérité. Crois en mon expérience, la vie n’est pas facile, et rien ici-bas ne peut se faire sans argent. Grâce à ton nom, à tes qualités personnelles et même à tes propriétés, tu peux épouser une héritière, et c’est pour toi un devoir, Bernard, un devoir impérieux contre lequel tu essaierais vainement de te débattre… et qui, après tout, ajouta-t-il en essayant de sourire, n’a rien de très désagréable.

Bernard ne répondit pas. La dernière phrase de son père l’avait atteint au vif. Trop malheureux pour se contenir davantage, il jeta sur le comte un long regard triste et sortit du cabinet sans rien ajouter. Deux cent mille francs ! Que paraissait la dot de Jeanne au milieu des chiffres qu’on venait de mettre sous ses yeux ! Il passait dans le monde pour un jeune homme riche, il l’était, en effet, devant hériter de plus d’un million, et pourtant cette richesse même ne servait qu’à lui lier les mains et à entraver le mouvement de son cœur.

Jacques Bret.

La suite prochainement.