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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

L’hiver revint qui resserra ses murs autour d’eux et rendit leur intimité plus complète encore. L’anniversaire de l’armistice sonna une autre fois, puis ce fut Noël, un Noël poudré de neige qui rendit leur lande toute blanche comme un paradis d’enfants.

En cette occasion Ève fit venir les petits Madec au Landier, y compris son filleul qui allait seul maintenant, et on passa une après-midi charmante. Grand-Louis fut tour à tour un loup, un cheval ou un chien parfaits. Un arbre de Noel occupait la place d’honneur dans la grande salle.

Après la distribution d’oranges aigrelettes qu’Yvonne épluchait avec recueillement — on ne voyait jamais d’oranges, le reste de l’année, à Port-Navalo — on était allé reconduire les enfants. On s’attarda un peu : il fallut, sous peine de fâcher les braves gens, prendre le café.

Ils revinrent tous les deux par le chemin étrangement clair ce soir-là, au lieu d’être boueux et noir entre les haies. Le miracle s’était accompli : il neigeait ! Le pays blanc était venu de là-bas pour s’allonger au-dessus du pays noir, qu’il regardait avec curiosité. Il suspendait ses batailles. Ou plutôt, elles devenaient une fête aérienne et somptueuse. La terre s’accoudait à sa terrasse enguirlandée pour mieux voir. Les yeux de faon,