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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

L’air était une enclume. À l’horizon rapproché, les sommets cotonneux des arbres fermaient d’une haie d’aubépines miracu­leuses et fleuries le ciel étroit comme un jardin de province.

Mais la race privilégiée de ce domaine ne se laissait point approcher. L’âme du Nord s’évadait dans la tempête. On entendait parfois son rire métallique. Une lumière froide irradiait d’elle comme du paysage. L’ère du monde à son réveil se répétait. Ces hommes étaient d’abord de grands fauves. Ils avançaient par bondissements. Ils étaient tout muscles, chair, appétits, ivresse de n’avoir pas à rétrécir leur allure. La terre leur appartenait. Ils se préoccupaient peu des empreintes que laissaient leurs pas : la neige les recouvrait si vite ! D’ailleurs, elles menaient à une maison fermée. L’âme du Nord était une créature de plein air.

Elle joignait la prudence à ses audaces. Elle était comme une louve blanche qui semblait dresser devant elle des banquises, pour se protéger, à mesure qu’elle se décou­vrait, et faisait entendre un grognement quand ceux du sud s’aventuraient sur le glacis. Comme autrefois, elle refoulait la horde latine vers son berceau. Elle s’oppo­sait à toute incursion. D’une étreinte, elle