Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/305

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n’a plus sa cour royale, dont la seule mouvance passait de soixante-dix mille articles celle des autres cours de Bretagne ; ni ce château du roi Even, d’où elle a pris son nom ; ni son prieuré de Notre-Dame, le plus riche de toute la Domnonée. Il ne lui reste que ses couvents, et c’est tout sa vie. Ainsi de Tréguier, de Saint-Pol-de-Léon, de Dol, qui, comme elle, se sont retirées du siècle : les heures y sonnent un autre âge, d’autres croyances. Ce sont les villes saintes de Bretagne et la « trêve » de pays qui s’étend autour d’elles baigne dans la même atmosphère de sainteté. La terre y est vêtue encore d’une robe blanche de miracles. Ils la fleurissent à l’infini. Destinée touchante et étrange ! La lente consomption où se meurent l’une après l’autre ces petites villes claustrales est pareille à une agonie de nonnes, dans l’encens et les lys.

Telle est cependant la puissance du lien originel que Le Flô ne se retrouvait jamais tant lui-même qu’à ses visites à Lesneven. Il y avait des amis dans toutes les classes de la société, des parents des condisciples, d’anciens serviteurs qui l’avaient connu tout enfant et qui l’appelaient encore de son prénom familier : Aotrou Adolphic, Monsieur Adolphe. Il n’en rebutait aucun ; il s’enquérait de leur santé de l’état des récoltes, du prix de l’orge et du sarrasin. Certains, d’air plus martial, anciens mobiles de Ducrot ou Vinoy, se rappelaient l’avoir vu au siège de Paris, dans cette lugubre journée du 31 octobre où ils gardaient l’Hôtel de Ville contre les tirailleurs de Flourens. L’alarme était grande au Conseil : une