Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/102

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Il faut l’avoir vu dans ses appartements du Collège de France, mais surtout à Rosmaphamon, dans la gracieuse villa où il passait les mois d’été avec son admirable compagne, la fille du peintre Henri Scheffer, entouré de ses enfants et de ses petits-enfants ! Quelle cordialité était la sienne ! Comme il vous mettait tout de suite à l’aise ! Comme il s’en faisait peu accroire et aux autres ! Comme on sentait chez lui ce détachement supérieur, cette absence de vanité, qui conviennent à un vrai philosophe ! Jamais homme ne fut moins atteint de cette hypertrophie du « moi », qui fut la maladie de tant de nos contemporains illustres, et de Hugo tout le premier. Non seulement il supportait qu’on ne l’accablât point de compliments, mais il permettait qu’on ne fût pas de son avis ; il se donnait la peine de discuter avec les plus obscurs, les plus humbles de ses contradicteurs.

Que de fois, par exemple, mon bon Maître, vous ai-je fait endêver, comme on disait dans l’ancienne langue, par mon admiration pour Michelet ! Vous ne l’aimiez guère, ce Michelet d’une sensibilité si profonde et si anarchique tout ensemble, mais dont à cette époque, avec mes yeux de vingt ans, je ne voyais que la magnifique puissance d’expression.

— Oh ! L’Oiseau ! La Mer ! vous disais-je. La Mer surtout !

Et, avec ce sourire indulgent et comme teinté d’ironie que nous connaissions bien, vous me répondiez :

— Euh ! Euh ! La Mer, oui, sans doute… Mais êtes-vous sûr que La Mer soit de Michelet ?

— Dame ! Monsieur Renan…