Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/142

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celui de la quadrature du cercle, d’accorder dans ses vers la naïveté du sentiment avec l’observation étroite, scrupuleuse, des procédés de la technique moderne. On pouvait goûter chez lui, suivant l’expression de Jules Tellier, cette rare union de qualités qui ont coutume de s’exclure : le « faire » le plus subtil et la jeunesse de cœur la plus spontanée.

Grande fut la surprise du public. Plus grande encore celle des critiques, visiblement désorientés et qui commençaient à se demander si nous n’étions pas à la veille d’un renouveau poétique comme celui que marqua pour l’Allemagne, au déclin du XVIIIe siècle, la publication des chansons populaires de Percy et de Herder. Mais l’attitude de chef d’école, l’espèce d’hiérophantisme qu’elle implique nécessairement, répugnaient à notre ami. C’était le plus modeste en même temps que le plus malicieux des hommes : il avait horreur de la réclame, des formules et des manifestes. En compagnie de quelques bons camarades de lettres qui lui donnaient la réplique, d’un Blémont, d’un Bouchor, d’un Truffier, d’un Beauclair, d’un Frémine, d’un Gineste, d’un Quellien, il continua de mener, par les garennes et les sentes, le branle fleuri de ses chansons. Où elles passaient, l’air s’épurait : le joli ciel de France, masqué par les brumes pesantes du symbolisme, se dégageait comme par enchantement.

Il arriva que le caprice de sa muse le mena jusqu’en Bretagne. Je ne saurais l’oublier ici. Pour être franc, Vicaire n’était point sans inquiétude le jour qu’il pénétra, un peu par effraction, sur cette terre réservée