Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/205

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satisfaisait plus de naviguer « pour le plaisir ». La maxime paternelle que c’était « détourner la vie de son sens que de ne travailler que pour soi » le hantait et il cherchait obscurément, à tâtons, « un moyen de se rendre utile à ses semblables ».

Il devait le trouver, ce moyen, en 1896, quand, fixé par son mariage avec une Bretonne sur la côte finistérienne, il connut de près la misère de nos pêcheurs. Il se jura aussitôt d’être l’homme qui combattrait cette misère, qui s’attaquerait au monstre de l’alcoolisme et le terrasserait. L’apôtre était né. Et apôtre n’est pas trop dire. M. de Thézac a la foi qui soulève les montagnes. Il exécute presque aussitôt qu’il conçoit et l’action, chez lui, est vraiment la sœur du rêve. À peine la pensée des Abris avait-elle germé dans son cerveau qu’il la faisait entrer dans la réalité. Seul — au début du moins, — avec ses ressources particulières, en prenant sur un budget qui n’est pas celui d’un Carnegie ou d’un Vanderbilt, il mettait sur pied les Abris de l’île de Sein, du Guilvinec et du Passage-Lanriec ; il les organisait, les dotait ; il leur assurait un personnel et une clientèle ; il tenait tête à la triple coalition des égoïsmes, des intérêts et des jalousies (vous pensez, en effet, si les débitants voyaient d’un bon œil la tentative de M. de Thézac). Et, son œuvre sur pied, il s’effaçait, ne lui demandait pour tout loyer que de vivre, de durer. Tel est le désintéressement de cet homme admirable, dont peu de gens connaissaient jusqu’ici le nom, qu’il a fallu presque lui faire violence pour l’obliger à sortir de l’anonymat et — quand les concours lui sont enfin venus — pour le dé-