Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 3, 1910.djvu/14

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non plus, jusqu’à ces dernières années, n’était pas sortie de chez elle ; elle aussi boudait son siècle et se condamnait à une manière d’exil intérieur ; sa vie, à elle aussi, semblait s’être arrêtée à une certaine heure de l’histoire, en 1532, époque de la réunion des neuf diocèses à la couronne, et depuis, comme la vie de Piphanic, elle n’avait été qu’un long sommeil, un sommeil d’attente fiévreuse et tantôt tout soulevé de beaux élans mystiques, tantôt secoué de convulsions violentes comme la Jacquerie des Bonnets-Rouges, la conspiration de Pontcallec, la chouannerie, comme encore, au temps de la dictature combiste, cette mobilisation spontanée des Léonards du Bro-Du, du « Pays Noir », soudain debout pour la défense de leurs prêtres et de leur religion — dernier sursaut peut-être d’une foi qui se consume à la façon du légendaire phénix et pour renaître en se transformant.

Ainsi le lecteur qui voudra bien y prêter attention trouvera dans les petits récits dont ce livre est entremêlé matière à d’ingénieux rapprochements. Ils n’ont point été inventés pour les besoins de la cause ; ils n’ont, je le répète, de romanesque que leur mode de présentation. Ce sera leur excuse près des gens sérieux. Ce pourra être la mienne près des autres, qui n’y chercheraient qu’un délassement et qui ne sauraient, en bonne justice, exiger de l’auteur qu’il fasse preuve de plus d’imagination que la vie.

Charles Le Goffic.
Le Keric, 10 juillet 1910.