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Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/157

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LE SABOTIER

« Il te faut souvent aller chez le tanneur. Et tu n’as sur toi que trois écus et demi. Moi, d’un seul coup, je dépense jusqu’à cent vingt écus pour acheter le bois qui sert à fabriquer des sabots aux paysans.

LE CORDONNIER

« Tant mieux pour toi, mon ami, si tu as un tas d’argent ! Les gens qui en ont moins vivent quand même honnêtement. Je mange viande et soupe et ma bouteille à midi et je prétends vivre aussi bien que toi à mon ordinaire.

LE SABOTIER

« Il est temps d’en finir, car la nuit approche et notre hôte fera grise mine si nous ne consommons pas. Cordonnier et sabotier, il pourrait bien nous donner congé et nous mettre à la porte en nous priant d’aller (continuer notre discussion) chez nous.

LE CORDONNIER

« Il va y avoir du grabuge dans l’hôtellerie, dispute entre amis et peut-être crépage de cheveux. C’est le parti le plus fort qui l’emporte en chaque affaire. Si tu veux, allons-y », dit le cordonnier.

Et les voilà, le ventre plein, qui se jettent l’un sur l’autre, tels deux chiens furieux, et qui s’agrippent et se gourment comme des malfaiteurs, au point que l’aubergiste est obligé de s’armer d’un bâton à riboter et de cogner dessus pour leur faire lâcher prise, tant ils sont bien accrochés ! Demandons une chopine pour les départir. L’aubergiste nous servira volontiers, si nous le payons. Et buvons chacun un coup à la fin de la chanson. Il faut que tout le monde ait des chaussures, à moins de marcher pieds nus. Celui qui a rimé ce débat ingénieux, élevé entre un cordonnier et un sabotier, celui-là en a composé bien d’autres : son nom est Jean Le Guen. Et vous le voyez ordinairement à la fin de ses chansons.

Ceux de mes lecteurs qui connaissent le breton n’auront pu manquer d’être frappés par la verve abondante de ce petit poème renouvelé des jeux-