Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/184

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receu du Ciel, les prians d’entreprendre ce voyage en sa compagnie ; ce qu’ils firent, & remarqua-t’on (chose miraculeuse) que, pendant qu’ils furent en ce voyage, quand ils entroient és terres étrangeres, ils entendoient & parloient les langues Barbares aussi aisément qu’ils eussent fait le Breton, qui estoit leur langue maternelle. Estans arrivez en la Ville de Jerusalem, ils visiterent avec une grande devotion les saints lieux ; &, cependant qu’ils s’occupoient à ces saints Pelerinages, l’Ange s’apparut au Patriarche de Jerusalem & luy commanda d’apeller ces trois Pelerins Bretons Insulaires, leur imposer les mains & leur donner la commission de prescher l’Evangile ; ce que le Patriarche executa effectivement, puis les licencia d’aller en leur païs donnant, au départ, à saint Patern une Crosse d’Yvoire & une belle Tunique ou Dalmatique, présageant qu’il devoit, un jour, gouverner les Ames & estre Evesque.

X. Ces saints Personnages, ayans satisfait au commandement de l’Ange & à leur devotion, s’en retournerent en l’Isle & commencerent, chacun de son costé, à prescher de grande ferveur. Un jour que saint Patern estoit dans son Monastere de Clarach, un Seigneur du pays, nommé Arthur, estant venu audit Monastere, vid saint Patern, pendant l’Office, revétu de cette Tunique qu’il avoit euë du Patriarche de Jerusalem, laquelle luy agréa tellement, qu’il la luy demanda avec instance, mais le Saint l’en éconduit, disant qu’elle estoit dediée au service de l’Église & qu’il n’estoit pas seant de l’en desalliener. Cela attrista grandement Arthur, qui, tout fasché, sortit de l’Église avec son train, parmy lequel se trouva quelque vaut-rien, qui luy conseilla de retourner sur ses pas, & que de force il luy feroit avoir ce que par beau il n’avoit pû obtenir ; il crût ce conseil et s’en retourna au Monastere, tout furieux & en colere ; un Moyne l’apperceut de loin, qui s’encourut donner avis à saint Patern, lequel luy dist : « Et bien (mon frere) s’il vient en mauvais dessein, asseurez-vous que la terre s’ouvrira & l’engloutira. » Ce qui arriva ainsi ; car, voulant entrer de furie en l’Église, la terre s’ouvrit sous ses pieds & l’engloutit jusques à la gorge, se resserrant tout à l’entour & ne luy laissant que la teste hors. Alors, il commença à reconnoistre sa faute & prier S. Patern de luy pardonner ; le saint Abbé, l’ayant aigrement repris de son peché, pria pour luy, le tira de là & le renvoya en paix en sa maison.

XI. C’estoit du temps qu’estoit Comte de Vannes un valeureux Prince, nommé Guérok (la Cronique Latine l’appelle Caradocus pour Guerokus), Prince courageux & magnanime, lequel, l’an 564, soûtint Dunalch, Fils de Connobert, Comte de Rennes & de Nantes, contre Chilperic, Roy de France, l’Armée duquel il défit à Messac sur Vilaines, l’an 587, assiégea Rennes, puis Nantes, lesquelles il prit & rendit à Dunalch, ayant défait & Bapolen & contraint Ebrecaire (c’estoit les Chef des deux Armées que Gontram, Roy France, avoient envoyées en Bretagne) de s’en fuïr. Cette guerre avec les François si heureusement finie, Guérok passa la mer & conquist pareillement la Cornoüaille d’outre-mer ; où, estant arrivé en la Cité qui lors s’apelloit Meas-Eli, Il y trouva S. Patern, lequel, a la requeste des Vennetois Armoricains, il amena en Bretagne, regnant en la haute Bretagne Alain I. du nom, & en la basse Jaova. Le bruit de son arrivée venu aux oreilles des habitans de la ville de Vannes, ils luy sortirent audevant, l’emmenerent solemnellement en leur ville & le firent sacrer leur Evesque.

XII. Le Comte Guérok avoit basty un Palais au milieu de la ville de Vannes, pour sa demeure ordinaire ; saint Patern fut inspiré de Dieu de le luy demander pour accommoder & amplifier son Église Cathedrale ; ce qu’il obtint facilement, dont il agrandit l’Église de saint Pierre, & du reste des bastimens se servit de Manoir & Palais Episcopal. À l’exemple du Comte, les Seigneurs du Vennetois luy firent plusieurs presens & de bonnes fondations, pour ayder à la reparation de ce Temple, lequel encore depuis a esté rebasty plus ample, beau, grand & spacieux. Ce S. Prélat, estant Evesque, mist un