Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/225

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Au commencement du quinzième siècle, le Pape Calixte III, si je ne me trompe, donna à notre Nation une des plus vieilles églises de la ville. Aussitôt elle fut mise en état de servir au culte ; des fondations très importantes y furent faites, et la générosité que nous avons toujours eue pour les choses de Dieu, malgré notre pauvreté d’ancienne date, eut bientôt trouvé moyen de bâtir plusieurs maisons pour nos pèlerins et nos pauvres, de fonder et de doter un hospice pour nos malades. Saint-Yves-des-Bretons devint une paroisse, et, comme toutes les nations de l’Europe, la nôtre fut représentée auprès du tombeau des Apôtres ; elle y eut sa modeste résidence pour les jours de Pèlerinage ou de persécution. Après la réunion, nos établissements, comme ceux des Lorrains, des Bourguignons, etc., devinrent Français, et furent confiés à l’administration dont l’Ambassade est le centre. On peut bien voir aujourd’hui que, dès les premiers jours, ou peu s’en faut, la protection de notre nouvelle métropole ressembla singulièrement celle du Seigneur de Lafontaine. Notre Église fut négligée, laissée sans réparations, et, si l’on peut encore assez admirer son magnifique pavé de mosaïque et ses colonnes de granit, c’est que tout cela était à l’épreuve d’une longue négligence. Cependant la révolution de 94 elle-même ne nous déposséda pas entièrement. Il y eut toujours un recteur Breton à Saint-Yves ; nos maisons et notre hospice furent loués au profit de Saint-Louis-des-Français, mais enfin elles restèrent ; nos 12 ou 15 mille lires de revenus se conservèrent ; les 1,300 messes fondées à perpétuité par la piété de nos ancêtres furent célébrés près des tombeaux où j’ai lu les noms celtiques des fondateurs ; Saint-Yves était toujours une paroisse, et, par conséquent, une Église vivante et fréquentée. Aujourd’hui, Monseigneur ce n’est plus qu’un bénéfice en commande, et si j’en crois certains bruits, nous sommes menacés d’être plus dépouillés encore que nous ne le sommes. — En 1824 (car la consommation du mal que je viens dénoncer à Votre Grandeur n’est pas plus ancienne) on obtint du Souverain Pontife l’autorisation d’acquitter dans l’Église de Saint-Louis les fondations Bretonnes, et Saint-Yves fut fermé, au grand mécontentement du quartier qui se trouvait compris dans la circonscription d’une paroisse plus éloignée. Mais il est vraisemblable qu’aucune réclamation ne fut faite au nom des propriétaires de l’Église ; elle fut donc close et abandonnée. En 1842, on pensa à reconstituer l’ancienne communauté de Saint-Louis, en obligeant les chapelains à la vie commune ; plusieurs de ceux-ci, presque tous Corses, s’étant montrés peu disposés à subir la nouvelle loi, on chercha le moyen de s’en débarrasser, et la rectorerie de Saint-Yves fut rétablie pour y placer un de ces prêtres. — Je dois dire en passant, que, tout Corse qu’il est, sa voix est la seule qui s’élève pour réclamer au moins quelques-uns des droits de notre Église ; mais vous comprenez, Monseigneur, que ce n’est pas une grande Autorité. Il y a quelques semaines, plusieurs de nos compatriotes, MM. de Kerguélen, Donquer, de Kermenguy, Le Vicomte, etc., allèrent y célébrer la Sainte Messe, et ensuite se rendirent en corps chez M. Lacroix, clerc national de France, pour lui demander que l’on fit au moins quelques réparations à notre Église. Mais je suis convaincu que, cette fois encore, on s’en tiendra de belles paroles. Déjà deux maisons, dont l’une était notre hospice, ont été vendues à l’Église des Portugais pour le prix de 8,000 piastres ou 42,000 francs ; une troisième est louée par Bail emphytéotique, ce qui ressemble bien à une aliénation. Il ne se dit pas dans l’Église d’autre messe que celle du Recteur, et aujourd’hui, jour de S. Yves, je m’y suis servi d’un calice de cuivre, et d’un ornement troué. Enfin, il est, dit-on, question d’abandonner l’Église à une Confrérie d’avocats.

Je crois, Monseigneur, qu’il serait très facile d’obtenir, sinon complète justice, au moins quelque respect pour les intentions les plus essentielles des fondateurs. Si Votre Grandeur confiait le soin de cette affaire au patriotisme de MM. de Carné, du Dresnay, et autres députés Bretons, je suis convaincu que le Ministre des affaires Étrangères consentirait à ordonner que des réparations fussent faites à l’Église de Saint-Yves, que l’on prélevât pour son entretien au moins une partie des dix mille francs de revenu qui lui restent encore, enfin que les 1,300 messes qui doivent s’y dire annuellement cessassent d’être acquittées dans une autre Église.

J’ai cru de mon devoir, Monseigneur, de révéler à Votre Grandeur un état de choses qui