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LA VIE DE S. HERVÉ.

En souscrivant à ce jugement, sur la Légende Celtique, je ferai cependant une réserve ceux dont la profession est « de nuancer et d’éclairer habilement la poésie, grâce aux rayons que fournit la tradition orale, devraient bien s’en tenir à ces rayons-là ; or, il y a certains glaneurs de légendes qui ne se contentent pas de recueillir pour éclairer ensuite il leur faut créer des traditions. M. de la Villemarqué n’a pas toujours été innocent de ce péché-là, et ce n’est pas par ignorance, je crois, qu’il a substitué Kristina à l’humble (?Mtc’/t<M’(Mt, pour conduire habituellement par les chemins le pauvre chanteur aveugle ; c’est une physionomie gracieuse, charmante, qu’il a ainsi introduite dans le monastère où jamais encore la vraie tradition populaire n’avait rêvé pareille apparition. M. de la Borderie ne veut même point admettre, étant connue la sévérité des anciens religieux à cet égard, que cette sainte recluse (dont la légende ancienne ne fait pas cependant une toute jeune fille) ait pu soigner dans les derniers jours de sa vie le saint moine son proche parent.

Nous ne pouvons nous dispenser de préciser ici certaines particularités de la vie de notre saint (toujours d’après M. A. de la Borderie).

Les Parents de saint Hervé. « Hoarvian était barde, c’est-à-dire poète et musicien et comme il possédait plusieurs langues, avec beaucoup de ressources dans l’esprit, quand il dut quitter l’île de Bretagne devant l’invasion saxonne, il n’alla point avec le gros de ses compatriotes s’échouer au fond de l’Armorique un heureux hasard le porta à la cour du roi de Paris, Childebert, dont il fit la joie et celle de ses courtisans en chantant lui-même ses compositions, et sans doute s’accompagnant de cette rote britannique (chrota Brt(ttMMa/, dont les accords, selon Fortunat, plaisaient aux Franl.s. Il pouvait vivre là gorgé de richesses et de plaisirs mais ce barde avait une âme d’ascète il voua à Dieu son célibat, et au bout de quelques années il obtint du roi la permission de retourner dans sa patrie, sans doute pour y aller vivre dans quelque monastère célèbre par l’autorité de sa discipline. Toutefois, en regagnant l’île de Bretagne, il voulut visiter cette autre Bretagne, née depuis quelque temps, et qui s’élevait peu à peu à l’extrémité des Gaules. Les chefs des Bretons réfugiés en Armorique ne reconnaissaient que de nom la suzeraineté des Mérovingiens. Un seul de ces chefs, appelé Conomor, établi à Carhaix, rêvant de noires entreprises contre ses voisins, s’était mis sous le patronage direct de Childebert, dont il voulait appuyer ses usurpations. La Vie de S. Hervé le qualifie préfet de ce roi /p)’6eyëc<MS )’e-ts/ titre peu exact mais qui donne une idée assez vraie de l’entière soumission de Conomor aux volontés de ce Mérovingien.

« Childebert combla Hoarvian de présents et lui donna des lettres prescrivant à Conomor de préparer un navire pour faire passer le barde dans son île natale « car, dit la Vie de S. Hervé, entre notre Domnonée et la Bretagne d’outre-mer, le trajet est bref. » Ces lettres attribuaient aussi à Hoarvian le privilège d’être au cours de son voyage « hébergé dans les nombreuses villas ou domaines royaux semés alors par toute la Gaule. » C’est au cours de cette pérégrination que Hoarvian est favorisé du songe miraculeux qui lui fixe sa destinée (et qu’on connaît déjà par le récit d’Albert). Il raconte à Conomor ce qu’il a ainsi vu et entendu pendant son sommeil, et il est encore avec lui marchant à ses côtés quand il rencontre Rivanone. « Le soir même les noces sont célébrées. – Le lendemain matin, le nouvel époux dit à l’épouse « Dieu t’ayant choisie m’a ordonné de m’unir à toi et a promis de me donner, par toi, un fils qui sera à jamais le secours de son peuple. » L’épouse répondit à Si tu as engendré en moi un fils, puisse-t-il ne jamais voir la lumière terrestre Voilà ce que je demande pour lui au Dieu tout-puissant. 0 femme 1 (répliqua le père) quel crime à une mère de maudire ainsi sa progéniture et de vouloir la condamner a un tel malheur ! Mais si ce fils doit être privé de la vue de la terre, je prie Dieu de lui donner en échange la vision du monde céleste. Pour obtenir cette grâce, dès ce moment je renonce absolument à la vie du siècle, je me oue tout entier jusqu’à ma mort au service de Dieu. » « Dans toute cette histoire, impossible de ne pas reconnaître à première vue un caractère de