Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/587

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comme un grand amy & serviteur de Dieu. Le maistre pasteur des troupeaux d’un grand Seigneur, nommé Polentus, voisin de l’Hermitage de saint Cado, le querela une fois, & le voulut percer de sa Lance ; mais Dieu le punit sur le champ, car il devint aveugle & perclus de ses bras, &, s’étant repenty de sa faute & ayant demandé pardon au Saint, il fut guery par ses prieres ; ce que le Prince Polentus ayant ouy, il donna au Saint une terre, nommée Sobrin, pour y édifier un Monastere, ce qu’il fit en peu de temps ; & un des ouvriers qui travailloient à l’édifice ayant est tué par ses compagnons & jetté dans un estang, le Saint par sa priere, fit paroistre ! e corps mort à fleur d’eau & le ressuscita.

III. Ayant peuplé son Monastere de Sobrin, il alla en voyage à S. André en Escosse, où il ressuscita un mort, & fit de grandes conversions par ses ferventes Predications, puis passa la mer, traversa la Bretagne Armorique, & alla trouver S. Goüard & S. Liliau en Aquitaine, & de là s’alla embarquer à Marseille pour aller en la Palestine, où il visita, avec une grande devotion, les SS. Lieux, & puis s’en retourna à Rome, où il baisa les pieds du Pape S. Jean III. du nom, & de là s’en revint en son Monastere l’an 562, ayant passé sept années en ses voyages. Il avoit de coûtume de se retirer le Caresme, en une isle dans la mer, nommée Enes Barren, pour y estre plus solitaire & éloigné de la conversation des hommes, &, à Pasques, il s’en retournoit en son Monastere, pour solemniser la Feste en la compagnie de ses Religieux, lesquels estans multipliez en nombre, il fonda un autre Monastere, plus ample & spacieux, & l’appella Land-Carvanan, c’est à dire, Eglise des Cerfs, à cause qu’il se servit de cerfs de la prochaine forest, pour charroyer les pierres & autres materiaux necessaires pour l’édifice dudit Monastere, rendant ces animaux aussi familiers, privez & domestiques, que si c’eussent esté des chevaux, & n’en tirant pas moins de service.

IV. Il fut deux ans Abbé de ce nouveau Monastere, jusqu’à l’an 564, qu’ayant choisi un petit nombre de ses Religieux, il passa la mer & vint mouiller l’ancre à la coste de la Bretagne-Armorique, à Vennes, & s’habitua en une petite isle, qu’on nomme à present Enes-Cadvod, en la Paroisse de Belz, laquelle isle estoit remplie de serpens ; mais le Saint l’en purgea par ses prieres, et tient-on que, depuis, il ne s’y en trouve point[1]. Il y édifia un petit Monastere ; &, voyant que le peuple du pays circonvoisin l’y venoit visiter, il bâtit un beau pont sur le bras de mer qui est entre ladite isle & la terre ferme, joignant l’embouchure de la riviere Estell, lequel ayant est démoly, fut par luy refait encore une autre fois. Il vescut en ce lieu, avec un rare exemple de Sainteté, jusqu’à l’an 567, que par commandement de Dieu, il quitta la Bretagne, &, ayant voyagé par la France, passa les monts & arriva en Italie, où il s’arresta, quelque temps, en la ville de Benevent, dont l’Evesque estant mort, il fut éleu pour son Successeur, &, à son Sacre, fur nommé Sophias.

V. Estant élevé à cette Dignité, il veilloit soigneusement sur son troupeau, lequel il gouverna jusques environ l’an cinq cens septante, qu’estant, une nuit, au plus fort de son Oraison, un Ange luy apparut & luy donna l’option de quel genre de mort il vouloit terminer sa vie ; alors, le saint Prélat, jettant amoureusement les yeux sur l’image du Crucifix, répondit : « Puisque mon Sauveur est mort pour moy en Croix, je desirerois (si telle estoit sa Volonté) avoir l’honneur de répandre mon sang pour luy. » A quoy l’Ange repartit : « Réjouis-toy, serviteur de Dieu, d’autant que ton desir sera accomply ; demain, tu passeras de cette vie miserable à la gloire perdurable & recevras la Couronne de Martyre. » Cela dit, l’Ange disparut. Saint Cado se leva de son Oraison, recita la revelation qu’il avoit euë à quelques uns de ses plus familiers, se disposa à dire la Messe, pendant laquelle la ville fut surprise par une armée de Barbares lesquels,

  1. Voyez chose semblable cy-dessous en la vie de St. Maudez, le 18 novembre. — A.