Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/724

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Grallon, ravy de ces merveilles, se prosterna aux pieds du saint Hermite & luy donna toute sa forest & une maison de plaisance qu’il avoit en ladite Paroisse de Plovodiern puis, s’étant recommandé à ses prieres, il se retira à Kemper-Odetz. S. Corentin convertit cette maison que le Roy luy avoit donnée en un Monastere, où, ayant amassé nombre de saints Religieux, il vivoit en grande sainteté & austerité.

IV. Le Saint, sçachant combien il importoit au bien de la republique que les enfans des seigneurs & gentils-hommes fussent, de bonne heure, élevez & dressez à la vertu, prenoit le soin de les instruire &, à cette fin, il avoit un nombre de pensionnaires en son Monastere, entre lesquels les plus signalez furent Wennolé, Tugdin & Jacut, lesquels, depuis, furent Abbez en trois célèbres Monasteres. Quelque temps après, le Roy Grallon fut supplié par les seigneurs & tout le Peuple de procurer l’erection d’un Evesché à Kemper-Odetz, pour le Comté de Cornoüaille, le Roy s’y accorda, &, ayant fait toutes les dépêches requises, nomma S. Corentin à ce nouveau Evesché, &, l’ayant mandé, l’envoya à Tours vers S. Martin, Archevesque dudit lieu, pour estre par luy sacré, luy donnant pour compagnons Wennolé & Tugdin[1], pour estre benits Abbez de deux Monasteres qu’il vouloit édifier. Ils furent gracieusement receus du saint Archevesque, lequel, au désir des lettres du Roy, consacra saint Corentin, mais ne voulut benir les deux autres, disant que c’estoit à faire à luy à benir les Abbez de son Diocese. Les Saints, ayans achevé leur legation, s’en retournèrent à Kemper-Odetz, où le Roy, avec toute sa Cour, les receut, & fut dressé une entrée Episcopale & solemnelle à saint Corentin, qui prit possession de son Siège & celebra Pontificalement la Messe. Le Roy vint à l’Offrande & offrit à Dieu & au saint Prélat son palais qu’il avoit dans Kemper[2] & grand nombre de terres & possessions les princes & seigneurs de sa Cour, à son exemple, en firent de mesme, chacun selon ses moyens & facultez. Le lendemain, S. Corentin benit solemnellement ses deux saints Disciples, Abbez, destinant Wennolé

  1. On sait peu de choses sur saint Tudy il débuta dans la vie religieuse sous la discipline de saint Maudet, puis il vécut en solitaire à l’île qui porte son nom, et fonda une abbaye là où est aujourd’hui la belle église paroissiale de Loctudy (XIIe siècle). M. de la Borderie (tome III p. 166) suppose que cette abbaye subsista peu de temps et qu’elle fut, non pas restaurée, mais remplacée par un nouveau monastere avant la fin du XIe siècle où l’on voit figurer dans deux chartes du duc Alain Fergent, les noms de deux abbés de saint Tudi Guégon et Daniel. Ce nom d’abbé indique bien, il est vrai, des chefs de maisons monastiques ; mais il y eut à une époque très reculée un collège de chanoines ou de chapelains desservant l’importante église que les barons du Pont (Pont-l’Abbé) avaient érigée dans les dépendances de leur château, en l’honneur de saint Tudy ; on pourrait se demander si l’abbé de saint Tudy n’était pas le prélat de ce collège canonial. Parmi les reliques dont il a été parlé aux annotations de la Vie de saint Guénolé figurent celles de saint Tudy, portées du monastère d’Anaurot à l’île de Groix, et retrouvées au XIe siècle, sur les indications d’un moine de Sainte-Croix de Quimperlé. Conservées dans l’île (du moins en partie) jusqu’à la Révolution, elles sont aujourd’hui perdues. Saint Tudy est le patron de Groix, des deux paroisses qui portent son nom, et de plusieurs chapelles. Avec saint Primel, il est représenté dans un beau vitrail à la chapelle du Grand-Séminaire de Quimper. A.-M. T.
  2. C’est-à-dire le château, situé au confluent de l’Odet et du ruisseau appelé le Frout. C’est en effet à cette place que saint Corentin batit la cathédrale et la monastere où il devait vivre entouré de ses religieux. Ce fut la le centre d’une ville nouvelle appelée en latin Corisopitum, (parce que les habitants de la contrée s’appelaient les Corisopites), et en breton Kemper qui veut dire confluent ; l’ancienne ville s’etendait sur les deux rives de l’Odet, mais en aval, la où sont les faubourgs de Locmaria et de Bourlibou, rejoints alors par un pont. Cette vieille cité s’appelait Civitas Aquilæ ou Civitas Aquilonia.