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LES TROIS GOUTTES DE SANG (A.-M. T.).


Dans le Propre du bréviaire pour le diocèse de Quimper, au mercredi avant le Mercredi des Cendres, on trouve les leçons qui suivent pour la fête de l’Effusion du Sang du Crucifix. « Ce qui a donné lieu à la solennité d’aujourd’hui, c’est un miracle éclatant que la tradition dit s’être autrefois accompli dans l’église de Quimper. Un habitant de la ville, homme honorable et riche, allant partir pour la Terre-Sainte, confia à un ami la garde de sa famille et l’administration de valeurs très considérables, et cela sans appeler personne en témoignage. Il consacra plusieurs années à son pèlerinage, et quand il fut enfin de retour il réclama de son ami le dépôt qu’il lui avait confié celui-ci déclara qu’il n’avait rien reçu. Le pèlerin frustré le traduisit en justice, mais ne pouvant, faute de témoins, prouver la culpabilité, il demanda que les deux intéressés fussent admis à prêter un serment solennel devant le Crucifix, admettant que cette épreuve terminerait l’affaire. Ils se rendirent donc tous deux à la Cathédrale, et là, au moment même où le dépositaire ajoutait le parjure à son premier crime, les pieds du Crucifix de bois, attachés par un seul clou se séparèrent, et répandirent trois gouttes d’un sang miraculeux. La réalité du prodige ayant été bien établie, il fut réglé que pour en perpétuer la mémoire, la fête de l’Effusion du Sang du Crucifix, se célébrerait chaque année le mercredi avant les Cendres. Les trois gouttes de Sang sont encore conservées très religieusement avec l’image du Crucifix dans la cathédrale de Quimper. »

Dans cette dernière affirmation il y a deux inexactitudes 1° il n’y a plus que deux gouttes ; celle qui était à part, dans un vase de cristal, d’après les inventaires de 1273 et de 1361 a disparu depuis un temps immémorial 2° du grand crucifix de bois il n’y a plus que la tête, le reste a été brisé par les terroristes en la fête de saint Corentin, 12 décembre 1793.

La fête de l’Effusion du Sang du Crucifix se célèbre à Quimper, au moins depuis le XIVe siècle ; le crucifix miraculeux était vénéré sur un petit autel placé entre les deux piliers du fond du chœur sur une colonne dominant le maître-autel était une châsse en vermeil exécutée en 1219 par les soins de l’évêque Rainaud et ornée des figures des douze apôtres ; destinée à recevoir les reliques de saint Ronan elle renferma aussi plus tard les gouttes de Sang avec leurs nappes. En 1790, elles furent extraites du reliquaire qui disparut dans l’odieuse confiscation de l’argenterie des églises, mais elles furent sauvées en 1793 en même temps que le Bras de saint Corentin. À partir de ce moment ces deux principaux trésors de la cathédrale de Quimper n’ont plus qu’une seule et même histoire, et comme il nous fallait, dans l’annotation qui suit, parler des Trois Gouttes de Sang, pensant que nous ne serions pas compris si nous ne donnions pas une notice sur ce précieux objet, nous avons inséré le récit qui précède.

LES RELIQUES ET LE CULTE DE SAINT CORENTIN (A.-M. T.).


Inutile de revenir sur l’exode des reliques de nos Saints quittant la Bretagne pour être soustraites aux profanations des Normands. Dès que le danger se fut manifesté, le corps de saint Corentin fut exhumé de son tombeau dans le chœur de la cathédrale, et pendant quelque temps resta caché dans le pays.

1° Quimper garda au moins un bras, comme on le voit par un inventaire de 1219 (Cartulaire de Quimper). Depuis des siècles cette relique a disparu de la cathédrale sans qu’on sache ni quand, ni comment.

2° Entre 910 et 920, le monastère de Saint-Magloire de Léhon, près Dinan, possédait une partie notable des restes de saint Corentin ; il y a lieu de croire que cette possession datait de la première translation (876-880).