Page:Le Grand Meaulnes.djvu/258

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Mes souliers sont rouges…
Adieu, mes amours…
Mes souliers sont rouges…
Adieu, sans retour !…


Meaulnes avait levé la tête et écoutait. Ce n’était rien qu’un de ces airs que chantaient les paysans attardés, au Domaine sans nom, le dernier soir de la fête, quand déjà tout s’était écroulé… Rien qu’un souvenir — le plus misérable — de ces beaux jours qui ne reviendraient plus.

— Mais vous l’entendez ? dit Meaulnes à mi-voix. Oh ! je vais aller voir qui c’est. Et, tout de suite, il s’engagea dans le petit bois. Presque aussitôt la voix se tut ; on entendit encore une seconde l’homme siffler ses bêtes en s’éloignant ; puis plus rien…

Je regardai la jeune fille. Pensive et accablée, elle avait les yeux fixés sur le taillis où Meaulnes venait de disparaître. Que de fois, plus tard, elle devait regarder ainsi, pensivement, le passage par où s’en irait à jamais le grand Meaulnes !

Elle se retourna vers moi :

— Il n’est pas heureux, dit-elle douloureusement.

Elle ajouta :

— Et peut-être que je ne puis rien faire pour lui ?…

J’hésitais à répondre, craignant que Meaulnes, qui devait d’un saut avoir gagné la ferme et qui maintenant revenait par le bois, ne surprît