Page:Le Grand Meaulnes.djvu/78

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lorsqu’il aperçut enfin, au-dessus d’un bois de sapins, la flèche d’une tourelle grise.

— Quelque vieux manoir abandonné, se dit-il, quelque pigeonnier désert !…

Et, sans presser le pas, il continua son chemin. Au coin du bois débouchait, entre deux poteaux blancs, une allée où Meaulnes s’engagea. Il y fit quelques pas et s’arrêta, plein de surprise, troublé d’une émotion inexplicable. Il marchait pourtant du même pas fatigué, le vent glacé lui gerçait les lèvres, le suffoquait par instants ; et pourtant un contentement extraordinaire le soulevait, une tranquillité parfaite et presque enivrante, la certitude que son but était atteint et qu’il n’y avait plus maintenant que du bonheur à espérer. C’est ainsi que, jadis, la veille des grandes fêtes d’été, il se sentait défaillir, lorsque à la tombée de la nuit on plantait des sapins dans les rues du bourg et que la fenêtre de sa chambre était obstruée par les branches.

— Tant de joie, se dit-il, parce que j’arrive à ce vieux pigeonnier, plein de hiboux et de courants d’air !…

Et, fâché contre lui-même, il s’arrêta, se demandant s’il ne valait pas mieux rebrousser chemin et continuer jusqu’au prochain village. Il réfléchissait depuis un instant, la tête basse, lorsqu’il s’aperçut soudain que l’allée était balayée à grands ronds réguliers comme on faisait chez lui pour les fêtes. Il se trouvait dans un chemin pareil à la grand’rue de La Ferté, le matin de