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  sur mahomet. vii

tiers les récits, sans en discuter ni la source ni le fondement ; elle les propage et les érige en croyance. Selon ces récits, qu’on ne saurait passer sous silence, car ils sont toujours présents à l’esprit d’un musulman, le monde entier s’émut au moment où naquit le futur prophète des Arabes. Le palais des Cosroës, à Ctésiphon, s’ébranla, et quatorze de ses tours s’écroulèrent ; le feu sacré des pyrées s’éteignit malgré la surveillance incessante des mages ; le lac de Sawa se dessécha, le grand moubed des Perses rêva à l’envahissement de la Perse par les chameaux et les chevaux arabes, et Amina raconta à son beau-père que pendant sa grossesse elle avait rêvé qu’une lumière extraordinaire se répandait de son sein pour illuminer le monde ; enfin, Abdelmottalib, en venant un jour voir son petit-fils, s’aperçut avec étonnement qu’il était né circoncis. L’enfant, nommé Mohammed par son grand-père (et il fut le premier qui porta ce nom parmi les Arabes), fut confié par sa mère à une nourrice bédouine, Halima, qui l’emporta au milieu de sa tribu dans le désert. Au bout de deux ans il fut sevré, mais sa présence dans la famille de Halima avait paru lui valoir tant de bonheur et d’abondance, qu’elle demanda à Amina de lui laisser élever l’enfant. La tradition raconte que celui-ci était sujet à une maladie dont on ne pouvait pas se rendre compte, mais qu’on attribuait à l’action du démon[1]. Mahomet, en racontant plus tard à ses disciples un accident qui avait causé à sa nourrice une grande frayeur, disait que dans son enfance, lorsqu’il jouait avec ses jeunes camarades dans la plaine, deux hommes vêtus de blanc, qui étaient des anges, le renversèrent par terre, lui ouvrirent la poitrine et en retirèrent le cœur pour le laver et le purifier.

Un chapitre du Koran (ch. XCIV) commence en effet par ces mots qui peuvent se traduire ainsi : N’ouvrons nous pas, (ne dilatons-nous pas) ta poitrine ; ou bien par N’avons-nous pas ouvert ta poitrine. Et pendant que certains commentateurs n’y voient qu’une expression fulgurée d’un cœur disposé par Dieu pour recevoir la sagesse et la révélation, d’autres veulent y voir une allusion à l’événement rapporté par la tradition, d’après laquelle le cœur de Mahomet aurait été réellement lavé et purifié par les anges, et serait devenu ainsi dès l’enfance un vase d’élection. Ce n’est pas, du reste, le seul passage du Koran où une expression figurée ou hyperbolique ait acquis d’après la tradition une interprétation forcée, et un sens surnaturel et merveilleux (Voy. ch. XVII, LIV). À l’âge de six ans, Mahomet perdit sa mère et fut recueilli par son grand-père Abdelmottalib, qui eut pour lui la tendresse d’un père ; trois ans après, cet appui vint à manquer à Mahomet, lorsque Abdelmottalib mourut âgé de plus de quatre-vingts ans.


  1. Cette maladie pouvait être l’épilepsie. En effet, le vulgaire en Orient croit que les épileptiques sont possédés du démon.