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Page:Le Mierre-Oeuvres-1810.djvu/259

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Votre mort le rachète, et votre dévouement

En un bonheur sans fin va changer son tourment. [970]

C'est peu de joindre ici votre image aux statues

De celles que l'effroi ni la mort n'ont vaincues,

Tandis que votre nom sur la terre vivra,

Du pays Malabare aux sommets d'Eswara,

Dans des astres sereins vous rejoindrez ces veuves, [975]

Qui de la foi promise ont su donner ces preuves,

Et qui pour leurs époux n'ont pas cru dans le ciel

Trop payer de leur mort un repos éternel.

La Veuve

Sans savoir par quels biens un Dieu juste répare

Les horreurs de la mort que la loi me prépare, [980]

Et sans vouloir chercher, par un soin superflu,

Quel sera mon destin dans un monde inconnu,

Je me sacrifierai, puisque enfin tout l'exige,

La loi, l'honneur des miens, mon propre honneur ; que dis-je !

Le dégoût de la vie est au fond de mon coeur ; [985]

Je ne reproche aux dieux que leur trop de rigueur ;

Hélas ! En prononçant ma sentence mortelle,

Ils pouvaient m'accorder une fin moins cruelle,

Et s'ils voulaient ma mort à l'âge où je me vois

En charger la nature et non pas votre loi. [990]

J'aurais pu différer d'un an mon sacrifice ;

Mais j'ai craint des soupçons l'ordinaire injustice ;

J'ai craint que l'on n'osât, sur ce retardement,

Du refus de mourir m'accuser un moment.

Et puisque dans mon coeur j'étais déterminée [995]

À subir cette mort où je suis condamnée,

J'ai mieux aimé courir au devant du trépas,