Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/179

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— C’est nous qu’on l’a tiré de sa turne, tu te rappelles, murmura-t-il.

— Quoi ? dit l’autre avec humeur, dans son demi-sommeil.

— Et bientôt c’est nous qu’il nous faudra le balancer à la mer, continua Belfast.

Sa lèvre inférieure tremblait :

— Balancer quoi ? fit Archie.

— Le pauvre Jimmy, geignit Belfast.

— Il nous embête ! dit Archie, brutal sans conviction et se mettant sur son séant : c’est tout sa faute. Sans moi, on se serait assassiné à bord de ce bateau !

— C’est pas lui pourtant, argua Belfast à mi-voix. Je l’ai mis au lit…, il ne pèse pas plus qu’un baril à conserves vide, ajouta-t-il les larmes aux yeux.

Archie le regarda en face et tourna le nez vers la muraille avec résolution. Belfast se mit à errer dans le gaillard mal éclairé comme un homme qui a perdu sa route et faillit choir par-dessus Donkin. Il le contempla de haut en bas un moment :

— Tu ne te couches pas ? demanda-t-il.

Donkin leva la tête, comme à bout d’espoir.

— Ce sale fils de filou d’Écossais m’a f… un coup de pied ! jeta-t-il d’en bas, à voix indistincte et d’un ton d’irréparable désolation.

— Et c’est bien fait aussi, dit Belfast toujours déprimé ; t’as frisé la potence ce soir, fiston, tu sais. Va-t’en jouer ailleurs à ces jeux-là, pas autour de mon Jimmy ! Tu l’as pas tiré de sa turne, toi. Ouvre l’œil ! Pac’que une idée que je te ficherais une tournée de coups de botte, moi aussi.

Il se ragaillardit tant soit peu.

— Et si je m’y mets ce sera à la yankee, pour casser quelque chose !