Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/36

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propre, eh ! fayot ! dit-il hargneusement. As pas peur. Je t’apprendrai à être poli pour un matelot, espèce d’ânon bâté.

Ses yeux brillaient méchamment, mais ayant vu Singleton fermer son livre, ses prunelles, pareilles à des grains luisants, se mirent à errer d’une couchette à l’autre.

— Prends celle-là, près de la porte, elle n’est pas mauvaise, suggéra Belfast.

L’interpellé rassembla les dons amoncelés à ses pieds, les pressa en ballot contre sa poitrine puis, après un coup d’œil à la dérobée vers le Finnois debout à côté de lui, le regard perdu dans le vague, comme s’il y suivait une de ces visions maléfiques qui hantent les hommes de sa race :

— Ôte-toi de là, tu me gênes, l’Alboche, dit la victime des brutalités yankees.

Le Finnois ne bougea pas, il n’avait pas entendu.

— Démarre, nom de Dieu, brailla l’autre, en le bousculant du coude. Démarre, spèce d’idiot, de sourd-muet gaga. Oust !

L’homme chancela, se remit et contempla le parleur sans ouvrir la bouche.

— Ces sacrés étrangers, ça demande à être maté, opina l’aimable Donkin, pour l’instruction du gaillard d’avant. Si on ne les met pas à leur place, ils vous mangent dans la main.

Il jeta le total de ses possessions terrestres dans la couchette vide, mesura d’un second coup d’œil les risques de l’aventure, puis bondit vers le Finnois, qui restait immobile, pensif et morne.

— Je t’apprendrai à boucher la route, gueula-t-il. Je te vas pocher les yeux, sacrée tête carrée.

Les hommes, pour la plupart, occupaient maintenant