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enthousiasme

et il avait aussi fallu changer complètement l’enfant qui avait nagé sur le plancher inondé…

La vie quotidienne ne contenait pas toujours, heureusement, autant de vicissitudes. Les jumeaux grandirent. Ils eurent le même matin une dent, puis deux, puis trois, et à dix mois, ils en avaient huit, et ils mangeaient leurs biscuits et leurs céréales et leurs épinards comme de grandes personnes, et ils avaient chacun une petite chaise à double usage, dont ils se servaient avec une régularité de plus en plus admirable.

On pouvait dire qu’ils étaient bien élevés.

Et ils étaient de plus en plus pareils. Une année passa, puis une autre. Leur ressemblance au lieu de diminuer, restait fidèle à elle-même. Était-ce finesse ou malice, ou à force d’être pris l’un pour l’autre, en avaient-ils conclu que chacun représentait l’un et l’autre ? Toujours est-il que si quelqu’un disait, voyant l’un :

— C’est bien toi, Guy ?

Tout de suite, un autre petit homme s’amenait en courant, car il n’était jamais loin, et disait vite avec le même air et la même voix :

— Et moi, c’est l’aut’Guy…

Ils jouaient l’un avec l’autre de l’aube au couchant. Ce que l’un aimait, l’autre aussi l’aimait. Ce que l’un mangeait, l’autre le mangeait. Ce que l’un faisait, l’autre le faisait.

Un des parrains, qui les voyait assez souvent, prétendait comme la mère, les reconnaître :

— Il y en a un, disait-il, qui sourit de la bouche et l’autre, des yeux. Oui. C’était bien vrai. Mais si c’était aisé pour la mère et pour le parrain