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garage à louer

C’était vrai. Il l’avait bien payé. Mais bientôt, ils se mirent tout de même à se demander s’ils recevraient sous peu de ses nouvelles.

— Pas besoin d’être si pressé, disait la vieille. Le loyer n’est pas encore dû.

— Et dans la marine, hum !… avec les sous-marins, les mines… repartait le vieux… Tout d’un coup, a nous reste, c’t’auto-là…

— Ça doit en faire un bel officier, disait la vieille. Même en civil, penses-tu qu’y paraissait bien !

La moitié de l’après-midi ou de la soirée passait à reparler du locataire. Dans leurs conversations, les vieux faisaient feu de tout bois. Leurs yeux étant affaiblis, ils ne lisaient à peu près plus le journal. La T. S. F. leur suffisait pour les nouvelles. Ils commençaient aussi à se détacher un peu des malheurs du monde ; ils étaient encagés dans leur vieillesse. Le bruit des voix suffisait à les distraire, même ce bruit très familier de leurs deux voix monotones. Le vieux parlait fort, à cause de la mauvaise oreille de sa vieille ; et la vieille répondait encore plus fort, parce qu’elle ne s’entendait pas, et voulait bien qu’il la comprît.

Janvier n’apporta ni nouvelles, ni chèque du locataire, mais il apporta abondance de neige. Il fallut pelleter, il fallut casser les glaçons pour ne pas laisser s’abîmer la belle voiture dont l’arrière dépassait toujours. Le propriétaire en était tout essoufflé et quand février passa sans rien apporter, il commença à grogner ouvertement ; il s’inquiétait, chicanait. La vieille prenait la