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le château

Pourquoi Suzanne gardait-elle un visage si pâle en écoutant sa mère, quand Marielle avait les yeux plus pétillants que des étoiles magiques ?

— De ma chambre, — et de la tienne aussi, Suzanne, — on voit une mer de forêt. Les fenêtres s’ouvrant à la hauteur des têtes d’arbres, on y voit les hirondelles, les mésanges de tout près.

La description continuait. C’était une source intarissable que les beautés de ce château. La forêt du printemps l’entourait, paraît-il, comme une immense tapisserie à peine déchirée au fond de la vallée par la ligne d’eau encore froide de la rivière, qui restait brunâtre, et au loin, à gauche et à droite, par deux grands morceaux bleus qui étaient le lac des Deux-Montagnes.

— Et il y a le verger ! Nous irons dès que les pommiers seront en fleurs.

Mais à ce moment-là, Marielle ne put pas non plus y aller, et elle continua à rêver un peu plus longtemps au château qu’elle n’avait jamais vu.

Suzanne et ses parents quittèrent la ville pour y passer l’été. Marielle avait accepté de travailler un mois pour une œuvre de guerre. Elle rendait service et elle recevait un petit salaire. Marielle n’était pas riche et savait d’ores et déjà qu’elle ne le serait jamais. Elle n’avait ni oncle, ni tante à héritage. Son père était un professeur aussi distingué que célèbre, mais la plaie d’argent, — qui n’est pas mortelle, — on avait l’occasion chez elle de la soigner bien souvent.

Vers la fin de juillet, Marielle reçut un petit mot tout tremblé de la main de Suzanne.