Page:Le Normand - Enthousiasme, 1947.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
enthousiasme

pousses des lilas, puis les feuilles, puis les grappes des fleurs formées, puis leur épanouissement qui embaumait le monde, telle avait été sa joie depuis ce jour, où, enfourchant la bécane neuve, elle était partie au devant du printemps.

Repassant tant de félicité, elle se rappelait soudain les pépiements joyeux des moineaux à sa porte, quand dès février, l’air s’était adouci. Ce qu’elle ressentait en aspirant à pleins poumons et en admirant de tous ses yeux, le doux printemps, et le beau, le joli mai, c’était ce que les pauvres gamins de moineaux essayaient ces jours-là d’exprimer à leur façon !

Parfois, la voyant revenir, et apprenant qu’elle arrivait de si loin, une voisine disait :

— Que vous êtes courageuse !

Mathilde n’osait pas répondre que le courage aurait été de rester enfermée et de laisser le printemps arriver dans le monde sans elle… Mais elle saisissait ainsi à quel point on ne devinait rien de cette exaltation qui l’envahissait lorsqu’elle prenait la route… Était-ce donc qu’elle devait particulièrement rendre gloire à Dieu, qui lui avait fait cadeau d’un tel don de joie et d’enthousiasme.

— Que je le conserve toute ma vie, priait-elle…

Les voisines admiraient le courage qu’elle avait eu d’aller jusqu’au lac Saint-Louis, …mais ce n’était pas une seule fois qu’elle y était allée, depuis ce jour de mars, où elle avait reçu son souffle encore glacé par l’hiver !

Maintenant, le lac brillait à pleins bords et chaque fois qu’elle suivait la route sinueuse qui le borde, malgré elle, elle pensait à la baie des