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enthousiasme

allure avec les animaux. Julianna et Marie étant les seules à avoir le don, nous les laissâmes se débrouiller, nous contentant de rire en les regardant. Il faisait presque noir. Seul du rouge demeurait allumé derrière les montagnes du barachois. Nos deux minces femmes se profilèrent dans cette lueur, tirant la vache doucettement, tout en essayant de l’envoûter de leurs belles voix. Une bête moins têtue, devant tant d’égards, aurait cessé au moins de pleurer. Mais à toutes leurs phrases répondait le même tenace beuglement.

Cette écurie, depuis longtemps, n’était plus qu’un garage. Il y avait au fond le box du cheval. C’est dans cette boîte de beau bois nu et propre que Mousseline finalement fut laissée. Nous lui apportâmes chacune deux grosses brassées de beau foin cueillies à même le champ. Et puis, bonsoir ! La porte fermée, l’écurie étant loin de la maison, tout le monde pourrait l’oublier.

Tout de même, il fut très difficile de parler d’autre chose. Toute la soirée se passa à rire des deux demoiselles aux ongles polis et aux fines mains, qui avaient presque porté Mousseline jusqu’au box ! et comme avec des gants blancs.

Eh bien, Nazaire, quand il dut le lendemain la sortir de ce box, ce n’était pas de gants blancs dont il aurait eu besoin, mais, ma foi, d’un costume de scaphandrier ! Si Mousseline, toute la journée de la veille, avait retenu son lait, toute la nuit, elle n’avait pas retenu autre chose ! et sans litière, il fallait la voir. Elle n’était plus belle. Et Nazaire n’était pas ravi, tout habitué qu’il fût aux odeurs d’écurie.