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monseigneur était un peu vieux

Monseigneur était un peu vieux, mais au fond, lui qui connaissait tout cela, s’était peut-être dit : « Au couvent, cette petite va se reposer ! »

Un soir qu’Anne-Marie avait ainsi bien pleuré, elle s’endormit enfin. Toute cette journée, elle avait été obsédée par la pensée qu’il lui faudrait enfin aller le lendemain dans le grenier, faire le ménage de ce qu’elle appelait le coin des mites. Et toute la journée, à cette idée, elle avait eu peur ; peur de monter seule là-haut, peur de remuer les énormes coffres, de sortir les manteaux de sa mère qui ne servaient plus depuis si longtemps ; son imagination grossissait les mites à la proportion d’insectes apocalyptiques. Elle avait peur, peur, peur.

Quand elle fut endormie, en se disant, demain je monterai tout de même, elle se vit tout de suite devant les immenses malles, essayant d’en soulever les couvercles, et se disant : « Non, non, je ne pourrai pas. Qu’est-ce que maman doit penser de ma lâcheté ! »

Et d’impuissance, elle allait se remettre à pleurer quand elle aperçut, au-dessus des coffres, sa mère, assise et qui se berçait en la regardant, souriante et silencieuse. Anne-Marie poussa un cri de tendresse et de joie. « Ô maman, maman ! » Puis elle vit les lèvres s’ouvrir, et elle entendit une voix douce, douce, parce qu’elle venait du ciel, et qui disait :

— Tu me remplaces bien, ma petite. Je suis fière de toi. Je suis surprise, aussi. Tu es si jeune, ma pauvre petite. Continue, va, je vais t’aider.