Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/125

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Tant il sait, en accords justes & merveilleux,
Fondre le cri de l’âme avec la voix des lieux.

Or du premier roseau le son s’envole à peine,
Le dieu n’en est encor qu’à sa première haleine ;
Et déjà, près de lui, sur le sol maigre & nu,
Le printemps d’autrefois est partout revenu.
Le gazon clair-semé s’épaissit ; mille plantes
Enlacent le vieux tronc de leurs tiges grimpantes :
Brodant de pourpre & d’or le velours du sainfoin.
Mille naissantes fleurs s’entremêlent au loin.
Un frais parfum épanche avec les mélodies
L’insinuant parfum des feuilles reverdies ;
Et, sur les vents chargés d’un invisible miel,
Un murmure infini vole entre terre & ciel.

L’hymne imprévu, joué par l’hôte du vieux chêne,
Ondule & se répand vers la forêt prochaine ;
Tout arbre en a frémi, du mélèze au tilleul ;
Les jeunes rejetons parlent au sombre aïeul,
Et tous, comme un tribut joyeux & volontaire,
Font de leur peuple ailé sa part au solitaire.
Les nids les plus lointains, ou fauvette ou pinson,
Laissent fuir vers le chêne un hôte, une chanson.
D’insectes & d’oiseaux chaque branche fourmille,
Chaque haleine du vent y porte une famille,
Et, jusqu’aux blancs ramiers, ces modèles d’amour,
Tous les fils du printemps y tiennent une cour.