Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/168

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Dans ma poitrine ouverte, argile sacrilége,
J’avais senti passer l’âme errante des Cieux,
Portant, comme un parfum, jusqu’à tes pieds de neige,
L’immense amour qui fait l’azur silencieux,

Qui fait la Mer pensive & tristes les Étoiles
Dans l’air vibrant du soir que bat son aile en feu,
Qui fait la Nuit sacrée & sème ses longs voiles
D’astres brûlants tombés des paupières d’un Dieu !

Ces pleurs divins, ces pleurs que ton orgueil réclame,
Cet Infini qui fait ton mal & ta pâleur,
Pour toi, je l’ai porté tour à tour dans mon âme,
— Vivant, dans mon amour, & mort, dans ma douleur !


V


La fierté de mon Etre ici gît tout entière :
Mesurant au tombeau l’amour enseveli,
J’ai jugé sa grandeur à peser sa poussière
Et pour lui ne crains pas l’outrage de l’oubli.

À l’horizon perdu des visions aimées
Son spectre, chaque jour, se lève grandissant
Et, comme un soleil rouge au travers des fumées,
Teint ces pâles brouillards du meilleur de mon sang.