Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/209

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L’imperceptible mal que t’a fait ton aiguille
Est oublié : durant l’heure de ton sommeil
L’épiderme déjà renaissait plus vermeil ;
Et le flot que ton cœur aux veines distribue
Ne s’est pas amoindri pour une goutte bue !
Cependant que toujours triste, toujours fiévreux,
J’admire ton doux souffle égal & chaleureux,
Et que toujours je vois sur ta bouche qui tente
Le sourire de la candeur inquiétante.




LE BLASPHÈME


Visible affreusement dans le courroux des mers,
C’est bien toi, Poséidôn ! que brave en mots amers
Ajax, le noir trident suspendu sur sa tête ;
Prométhée, appelant la foudre qui s’apprête,
A vu Zeus se dresser & les cieux obscurcis
Trembler au froncement des terribles sourcils :
Et c’est pourquoi nul temps n’effacera la gloire
De ces défis gravés dans l’humaine mémoire.
Il faut être croyant pour affronter les dieux.
Pour nous, las de créer des tyrans odieux
Et de voir l’Injustice en eux toute-puissante,
Au lieu de provoquer leur providence absente,
Nous les avons niés ; & le grand ciel béant
S’est fait vide, & les dieux sont rentrés au néant.
À ses noirs cauchemars l’Humanité ravie